Tourisme alternatif
Un tourisme alternatif pour défendre les droits des peuples amérindiens
Danièle Meunier, présidente d’Identité Amérique Indienne et fondatrice d’Altervoyages.
Identité Amérique Indienne ASBL a commencé les voyages alternatifs au Pérou en 2003. En collaboration avec MATM ASBL, les deux associations ont fondé Altervoyages ASBL qui a gagné le prix du commerce équitable en 2009.
Plus d’un demi-siècle après le début de la colonisation, l’expérience d’Identité Amérique Indienne de dix années de rencontres interculturelles nous convainc que le voyage est une bonne façon de semer les graines du futur.
Tel un levain, la compréhension du concept de « communautés vivant l’équilibre Homme – Nature - Culture » régénère une vision laissée pour compte. Les peuples natifs du Pérou sont des sociétés écologiquement soutenables, socialement équitables et économiquement viables : elles savent maintenir « El buen vivir », l’équilibre avec leur milieu de vie et les règles de la réciprocité. Tout cet ordre naturel pourrait bien dans le futur se réimplanter dans nos campagnes et dans nos cités… Une utopie ? Pas tant que ça. Les personnes qui voyagent avec I.A.I. se prêtent à une expérience interculturelle profonde et acceptent de faire le point sur la culture occidentale et ses implications sur les autres peuples. Elles sont curieuses de connaître d’autres visions du monde.
Identité Amérique Indienne est une association née d’un besoin des peuples natifs des Andes et de l'Amazonie d’être soutenus dans la défense de leurs droits, mais aussi de leur désir d'entrer en contact avec les Européens. Notre projet de solidarité cherche donc à créer des rencontres, des échanges entre ces peuples et les touristes, dans le respect de leur vie quotidienne et leur environnement. Nous aidons également les Amérindiens à être reconnus en tant que peuples autochtones du Pérou et par là défendre leurs droits à un territoire, à une culture, à une langue, à une particularité.
L’association agit comme un pôle de réflexion pour aider au changement des mentalités des touristes, car les Amérindiens demandent une implication des citoyens à tous les niveaux qui touchent à notre planète et aux droits de la nature.
Les voyages créés par l’asbl Identité Amérique Indienne ont donc débuté en 2003, en appui à nos partenaires du Pérou. Nous proposons aux voyageurs de sortir du circuit classique pour éviter le tourisme de masse et les emmener dans des coins non visités, déchargeant ainsi les centres touristiques importants. Le logement se fait en familles d’accueil, rémunérées pour les repas, animations, balades et hébergements. L’artisanat est également directement acheté aux familles. Cette manière de procéder appuie les populations les plus défavorisées des pays sud-américains et permet d’éviter l'exode rural.
Les touristes ont de leur côté l’opportunité de faire des périples inimaginables à travers l’Amazonie, de voyager sur les fleuves, d’affronter les canyons et découvrir tant de peuples touchants. Au hasard des rencontres, nous avons par exemple eu la chance d’être accompagnés de dix-sept jeunes Inkas Vivants proposant « le séjour de santé » dans leur communauté de Patacancha. Nous avons découvert une approche de la médecine andine à travers le savoir du shaman : une approche des plantes médicinales et des plantes tinctoriales qui permettent de teindre, selon la tradition, des tissages où apparaissent les symboles de la nature. Au dernier voyage, en novembre 2010, les Inkas Vivants renforcés, au nombre de 23, avaient construit cinq maisons traditionnelles d’accueil des touristes. Ils nous ont aidés à vaincre l’impossible : porter un groupe de six personnes en chaises roulantes (de l’ASBL Décalage de Bruxelles) au sommet du sanctuaire de Machu Picchu.
L’expérience est alternative dans les deux sens : au Sud, évitant la migration forcée des Péruviens de la montagne manquant d’économies, le voyage responsable encourage à rester dans la communauté, à valoriser le savoir-faire et à le partager ; au Nord, comme cité plus haut, il diffuse l’idée d’une vie simple et positive, qui ne serait pas une régression, mais plutôt une marche vers le futur soutenable de la planète.
Propos recueillis par Anne-Sophie Reynders