News de IAI envoyées le 27 aout 2023 par Danielle Meunier, volontaire depuis 8 ans pour les Inkas Vivants au Pérou-Cusco. Merci à Anne André, membre du CA d'Identité Amérique Indienne pour ses recherches croisées et compléments d'informations.
- Une nouvelle aventure inka
Le 16 juin a commencé une nouvelle aventure. L’histoire, en fait a commencé bien avant, en juin 2022. L’entreprise Millmas de Arequipa a commencé la construction d’un immense hangar pour vendre des vêtements industriels. La vente des articles de textiles a commencé en mai 2023. Comme la maisonnette que je loue et devenue voisine de Millmas, l’entreprise m’a demandé de coordonner le travail de 7 jours de 2 tisserandes durant toute l’année. Une assemblée générale de l’association de Jeunes Indigènes Inkas Vivants a eu lieu en mai, où les 37 familles se sont désignées par tour. Elles voyagent à 5h du mat de la communauté jusqu’à la communauté de Huayllarccocha, à une demi-heure de Cusco. Pour 7 jours de travail de démonstration de tissage inka traditionnel, elles reçoivent chacune 175 soles ou 43 euros. Depuis 3 ans, dans nos communautés il n’y a aucune vente, aucune visite de touristes, cela semble être un bon plan pour ces tisserandes qui paraissent satisfaites. Durant toute la journée, des bus touristiques viennent visiter Millmas. Les dames tisserandes ont l’opportunité de vendre leurs propres productions, leurs étoles, portes monnaies, etc.
Un père de famille de Huilloc, qui ne peut pas travailler sur le chemin de l’inka car blessé à la jambe, est engagé sur le site de Millmas comme gardien des alpagas et llamas. Il reçoit aussi son salaire de 1400 soles = 345 euros par mois. Sa famille dont certains de ses enfants sont étudiants, sont contents. C’est une bonne expérience à long terme pour les 37 familles.
- Une excellente nouvelle administrative pour l’Aso inka
Après 2 ans, de démarches interminables, enfin l’association est inscrite aux registres publics avec de nouveaux statuts d’association sans but lucratif. Un avocat nous aide pour l’exonération. Cette dernière démarche nous permettra d’accéder à APCI, agence Péruvienne de Coopération Internationale, en remplissant tout un dossier et sans doute d’être inscrits à Apci. De cette manière nous pourrons demander prochainement un nouveau coopérant international (suisse, etc.), un professionnel qui pourra nous aider notamment pour le marketing et les projets sud.
- Avances du projet en cours soutenu par Identité Amérique Indienne : Inka Moda
C’est au printemps 2022 que j’ai écrit notre projet inka Moda IAI et déposé à la commune de Liège dans le cadre de l’appel LIEGE-SOLIDARITE MONDE. Début d´été, nous apprenions qu’à travers IAI, l’association Inkas Vivants, a gagné la somme de 4180 euros, pour diversifier les productions textiles des dames tisserandes. Elvis Puma est un jeune de la communauté de Huilloc ayant étudié la mode et la confection. Il participe au projet en donnant des cours de couture aux membres des Inkas Vivants en imaginant de nouveaux modèles, un mix entre le vêtement moderne et le traditionnel, « une fusion ». Ces modèles feront l’objet d’un défilé de mode le 27 ou le 28 octobre, lors de l’anniversaire de la ville de Ollantaytambo. Nous avons pris accord avec le bourgmestre et il nous appuie entièrement pour l’installation d’une passerelle de défilé et un photographe professionnel, un grand écran pour retransmettre en direct l’évènement, sur la grand place d’Ollantaytambo. Le nouveau bourgmestre est un bon élément pour développer nos projets. Il nous a ouvert tout grand la porte pour tous les autres projets comme l’agroécologie, le tourisme, le brevet des 250 icônes textiles recensés dans l’ouvrage édité en 2020.
Thalitha Koum est une ONG de Bruxelles qui, nous l’espérons, nous appuiera en 2024 pour la suite du projet Inka Moda avec un fond qui permettra de poursuivre la formation en couture des 37 dames tisserandes et permettra la continuité de la production de modèles inka moda et leur vente virtuelle à l’étranger. Pour accéder au fond de Talitha koum, nous avions besoin de l’inscription aux registres publiques, c’est chose faite.
- Crise politique au Pérou (complément par Anne André)
Les OVNIs dans le ciel de Nasca ? Ca pourrait être un feuilleton passionnant, mais comme la politique péruvienne réserve autant de surprises, de révélations et de sombres desseins qu’une invasion d’extraterrestres, nous vous laissons explorer le ciel et restons les pieds sur terre.
Le sous-officier John Yataco, démissionnaire et mis en accusation par la Police Nationale Péruvienne, vient de faire une déposition qui éclaire la chaîne de responsabilités dans la mort de 49 manifestants en janvier à l’aéroport de Juliaca. Les informations données par les officiers et la chaîne hiérarchique étaient : « Ce sont des terroristes de Sentier lumineux, il faut défendre à tout prix l’accès à l’aéroport. Otez de votre uniforme les indications qui permettent de vous identifier. »
Un rapport sur les forces armées, toujours sur la question des responsabilités dans les violences contre les manifestants, se retourne contre les hauts responsables : il conclut que l’armée n’est pas préparée à gérer les protestations pacifiques de civils, que ce n’était pas son rôle.
Alejandro Soto Reyes, nouveau président du Congrès, encore moins populaire que Dina (8%, contre 10%) a deux collaborateurs spécialisés en trolls, pour embêter ses petits camarades qui ont une meilleure image que lui sur les réseaux sociaux.
... Et pendant ce temps-là, la crise politique au Pérou continue. Pour les médias traditionnels (1), tout va bien, il ne se passe rien et on a échappé au pire. L’incapacité des responsables politiques était prévisible. Cela promet des jours extrêmement difficiles, économiquement et socialement, pour la plupart des péruviens.
Les manifestations du 19 juillet 2023 avaient l’appui de quasi 80% de la population sur les mots d’ordre de dissolution du Congrès et de départ de Dina Boluarte, impliquant l’organisation immédiate d’élections sans attendre 2026. Elles n’ont pas été entendues. Les enquêtes plus récentes sur le soutien à la présidente Dina Boluarte (20% selon les meilleurs chiffres) et au Congrès (à peine 10%) montrent le sérieux de ce rejet, déjà majoritaire en janvier, envers les personnes aux responsabilités depuis la destitution et l’emprisonnement de Pedro Castillo.
La realpolitik des instances internationales s’impose peu à peu : ceux qui ont destitué Castillo sont accueillis, même du bout des lèvres, comme représentants officiels. Rappelons que ce président, élu démocratiquement, est mis en accusation sur deux thèmes : le coup d’état et la corruption.
Depuis le début de son mandat, Pedro Castillo était empêché de gouverner par les blocages institutionnels systématiques de l’opposition et les mensonges destinés à le discréditer. Il a tenté de rétablir l’État de droit et la démocratie, en dissolvant temporairement le Congrès et en convoquant des élections pour une Assemblée constituante dans les neuf mois. Il portait ainsi la voix de ceux qui l’avaient élu, en rappelant le droit à la rébellion contre un ordre social et des institutions injustes. La droite a saisi l’opportunité d’utiliser l’article 346 du code pénal de la République, qui condamne la révolte d’une « peine jamais inférieure à dix ans et jamais supérieure à vingt ans d’expatriation ».
Quant aux preuves de corruption personnelle, elles semblent bien difficiles à rassembler. La lenteur des procédures le maintient commodément à l’ombre et certains le considèrent en danger de mort.
Les manifestations en sa faveur n’ont pas l’ampleur de celles qui ont suivi sa destitution, mais à travers le pays on continue de dénoncer l’impunité des responsables de morts et de disparitions, ainsi que les corruptions et le manque de démocratie et de transparence dans les décisions régionales. Chaque sortie de la présidente en exercice est l’occasion de protestations ; son dispositif de protection ne lui laisse aucune occasion de serrer des mains ! Ultime vexation, la gouvernance de Castillo, malgré les difficultés qu’il a rencontrées, est considérée comme meilleure par 50% des enquêtés, et pas pire par 27%. (2)
Depuis longtemps, le congrès Péruvien n’est plus réellement polarisé entre gauche et droite, vu la faiblesse d’une gauche digne de ce nom. En l’absence d’élections anticipées, il reste composé des mêmes élus qui ont bloqué toutes les avancées sociales prévues dans le programme politique du gouvernement Castillo, concernant la santé, l’éducation, la nouvelle constitution, l’agriculture, l’industrialisation etc.
Le passage au bicaméralisme, c’est-à-dire une structure à deux chambres (Sénat et Parlement) a été approuvé voici 5 ans, malgré son impopularité. Le risque évident est le clonage ; on passerait de 130 députés à 260 fonctionnant avec la même éthique : se répartir entre amis et familiers tout ce qui peut rapporter de l’argent, sans se mettre personne à dos. Impossible donc de remettre en question un modèle qui n’a su gérer ni les catastrophes naturelles, ni les besoins sociaux, éducatifs et médicaux, ou le développement d’une économie qui bénéficie réellement au pays plutôt qu’aux investisseurs étrangers.
Pour ce qui est des manœuvres destinées à éviter les conséquences judiciaires de leurs actes à W. Cerron et Keiko Fujimori, vous attendrez bien le mois prochain ? Et pour connaître un peu mieux Alberto Otarola, que certains surnomment « le boucher » ?
D’autant plus que nous y ajouterons des données les plus complètes possibles sur la pauvreté actuelle au Pérou, tirées notamment des publications de l’Institut Bartolomeo de Las Casas (3)
Quel sera le sort de ce pays chéri par IAI ? Rien n’est clair… à suivre… (4) (5)
(1) Hormis La República, centre-droit, mais qui ouvre ses colonnes à quelques observateurs objectifs qui rendent comptedes difficultés de la société péruvienne)
(2) Enquête de l’Insituto de Estudios Peruanos
(4) https://www.monde-diplomatique.fr/2023/01/GARZON/65438 in Le Monde diplomatique; janvier 2023 (sur la destitution de Castillo)
(5) https://www.monde-diplomatique.fr/2023/04/LARIBI/65676 in Le Monde diplomatique ; avril 2023 (sur la représentation différente dans les médias occidentaux, des soulèvements populaires vénézuéliens et péruviens)