Octobre 2023
12 octobre, R.A.S. pour le congressiste péruvien moyen. Quelques affaires gênantes, comme d’habitude.
A peine quelques manifestations. On va pouvoir s’en mettre encore un peu dans les poches avant de commencer à penser aux prochaines élections.
Dina Boluarte vient en Europe pour promotionner son pays et en rassurer les investisseurs, quitte à tordre un peu les prévisions de ses propres services, pour assurer que le Pérou va connaître un redressement économique spectaculaire. C’est aussi bien pratique pour se présenter sans gros effort comme une dirigeante responsable et active.
Les péruviens de l’étranger manifestent au fil de sa tournée (Allemagne, Italie) pour lui rappeler qu’elle est aussi responsable d’un certain nombre de morts et qu’elle n’a pas le soutien de la majorité de la population. Les péruviens trouvent coûteuse et inutile cette visite, qui de plus se fait au moment où des expatriés en Israël, appellent à l’aide, et que le gouvernement tarde à leur envoyer un avion.
La Señora Presidente a donc rendu visite au Pape et a eu droit à la photo en sa compagnie, après une audience de groupe où elle n’a pas pu s’entretenir en direct avec lui. François ne tient certainement pas à la cautionner ; plusieurs fois cette année, l’église péruvienne a fait la morale au gouvernement sur sa gestion irresponsable des problèmes du pays et sur la malhonnêteté des congressistes.
Une partie de la population s’habitue à la fausse stabilité offerte par le gouvernement actuel. Dina c’est mieux que rien, que Keiko ou que les manifestations.
Le Congrès continue ses querelles et ses arrangements, le gouvernement essaie toujours de convaincre qu’il a une politique cohérente, et annonce de nouvelles mesures (quitte à ne faire que répéter des dispositions antérieures). On se garde bien d’intervenir pour solutionner, par exemple, les quatre conflits sociaux dans la région de Arequipa, liés à des entreprises extractives contestées pour leurs répercussions sur l’environnement. En septembre, le Pérou comptabilisait 224 conflits sociaux, 94 procès en relation avec l’industrie minière et 28 avec les hydrocarbures.
Chaque fois qu’elle en a l’occasion, la droite autoritaire tente d’éroder un peu plus la démocratie. La remise en cause de la Junta de Justicia, par exemple, est une manœuvre destinée à en éliminer les gêneurs, ceux qui pourraient examiner de trop près les petits arrangements électoraux futurs dans les différentes provinces.
A Cusco, censure et intimidation contre les artistes qui ont caricaturé la présidente, comme César Aguilar « Chillico » démis de ses fonctions d'enseignant à l'Université des Beaux-Arts en raison de sa célèbre allégorie « La Descarada ». On a interdit la prochaine exposition sur son nouveau récit graphique "La Rébellion de Túpac Amaru" (3 ans de travail).
La police surveille le fameux « Mur de la honte », ce mur de l'auditorium universitaire de Cusco qui a été utilisé pendant plus de 20 ans par la population pour rendre publiques ses plaintes et son mécontentement. On y empêche les manifestations, le fait qu’elles soient pacifiques n’interdit pas l’utilisation de matraques et les arrestations.
Du côté de ceux qui luttent pour leurs droits et des démocrates, on s’entête et on s’organise, même si n’émerge pas encore de figure qui puisse rassembler les forces face à la droite aux prochaines élections (mais il reste encore 2 ans).
Ils continuent à demander des comptes sur la répression des manifestations. Ils dénoncent les attaques contre la démocratie. Ils défendent le territoire contre les projets écocides. Ils traquent les collusions entre politiques et investisseurs. Ils écrivent dans les espaces de presse qui restent disponibles. Ils témoignent et publient leurs analyses sur les réseaux sociaux.
Les pauvres continuent à lutter quotidiennement pour nourrir leur famille, en partie à travers les emplois informels qu’ils créent. Cela représente une part essentielle de l’économie, avec des emplois sans aucune couverture sociale.
Le Pérou fait penser à une marmite qu’on laisse « à feux moyen ». Ca pourrait se mettre bouillir un jour ou l’autre.